Web : Next 10 Years ? thématique choisie par Loïc Le Meur
Publié le 20 Décembre 2013
Présent au Web, Cédric Deniaud, revient sur le thème central cette année à la conférence et tente de répondre à la question posée : "Web : Next 10 Years ?"
C'était la thématique choisie cette année par Loïc Le Meur qui profitait des 10 ans de son évènement Le Web, devenu sur cette période l'un des évènements majeurs dans le monde digital international, pour poser la question : à quoi ressemblera le Web dans 10 ans ? Pendant 3 jours, nombre d'experts et d'entrepreneurs, mais également de politiques (Fleur Pellerin et Arnaud Montebourg) sont venus présenter leur vision, leurs réalisations digitales... Que faut-il en retenir ?
Déjà clairement, lorsqu’une thématique se veut très prospective, le monde se sépare entre ceux qui se contentent de phrases toutes faites (que Gary Vaynerchuk alias @garyvee, intervenant remarqué lors de la 2ème journée, aurait qualifié de "fucking bullshit") et ceux qui apportent une vraie approche de l'innovation. La question est compliquée et demandez-vous si en 2000, lors de la 1ère bulle spéculative liée aux starts-ups Internet, vous auriez cité comme avenir du Web et questions centrales 10 ans plus tard la confidentialité des données, les réseaux sociaux, le mobile, les objets connectés...
Néanmoins, je retiens personnellement des interventions et de mes échanges dans les allées, 4 points importants qui définiront (peut-être) le Web dans ces prochaines années :
1. Un Web ouvert ou fermé ?
La création d'Internet se base sur un langage ouvert. Sauf que désormais la montée en puissance des écosystèmes fermés (ou semi fermés) que proposent Google, Apple et Facebook est clairement une menace à cet élément identitaire d'Internet. Chaque géant d'Internet a aujourd'hui compris qu'il fallait se placer au centre du cercle et couvrir tous les terminaux, les usages. Si le monde est connecté, offrons ce monde connecté... mais avec notre vision, notre système de paiement, notre système d'identification...
Le fait que le législateur a aujourd'hui beaucoup de mal à suivre les échanges, exempts de cadre légal, laisse un boulevard aux éditeurs. Même s'ils mettent en avant la simplicité, le confort pour l'utilisateur, le pétrole est la donnée et chacun lutte pour la conserver. J'avoue personnellement être relativement pessimiste sur ce sujet : demain nous n'aurons plus d'autres choix que d'être dépendants et liés à des géants informatiques privés tels que Apple ou Google, qu'à n'importe quel autre service dans le monde.
2. Le Web est mort... car le Web est la nouvelle électricité
Si avant Internet pouvait être défini comme le 6ème média, aujourd'hui Internet est partout. Je ne parle même pas ici des accès depuis les smartphones ou les tablettes qui tendent à remplacer nos bons vieux ordinateurs, mais bien le monde connecté.
Que ce soient les voitures, les vêtements, les montres, vos ampoules, vos objets ménagers… demain, selon une estimation basse de Cisco, en 2020, ce seront plus de 50 milliards d'objets connectés dans le monde, soit plus de 7 objets par personne. Finalement de la même manière que l'électricité n'est pas une fin en soi, le Web n'est qu'un vecteur de transmission d'informations... il ne sera plus uniquement basé sur l'action humaine mais sur des connexions "machine-to-machine" dont le but est de toujours mieux nous servir, nous satisfaire... et nous rendre dépendants. Demain, tout aura une adresse IP... peut-être même l'humain.
Cette notion de "Web everywhere" est aussi présente dans son intégration, plus forte dans toutes les sphères personnelles et professionnelles : des métiers de la finance, de l'éducation de nos enfants, des services de santé, de la mode en passant par la cuisine, le digital est partout !
3. L'innovation : entre l'utopie et "l'innovation équilibrée"
Qui dit sujet de prospective, dit nécessairement innovation. Ce mot fut mis à toutes les sauces pendant 3 jours, entre "l'innovation utopique" de Jacques-Antoine Grangeon avec la téléportation de colis (pour répondre au coup de pub de Jeff Bezos, le patron d'Amazon avec son annonce récente de pouvoir livrer des colis via des drônes ces prochaines années), et "l'innovation équilibrée" d’Arnaud Montebourg qui juge l'innovation nuisible lorsqu'elle détruit plus d'emplois qu'elle n'en créé.
Alors que Fleur Pellerin prône pour une France qui soit le pays des start-up en Europe, et Arnaud Montebourg qui voit en l'innovation une menace à court terme tout autant qu'une nécessité à moyen terme, nos politiques ne savent pas encore sur quel pied jongler. Ce qu’il faut reconnaître, même si on regarde beaucoup du côté de San Francisco, c’est que la France est un pays offrant le plus d'avantages pour les jeunes entrepreneurs notamment en termes d'aides publiques et d'accompagnement. En ce qui concerne l'investissement privé, le dynamisme et les ressources humaines, c'est clairement une autre affaire.
L'innovation est même pour certains la meilleure arme politique du consommateur et du citoyen. Avec les plateformes de crowdfunding comme KickStarter, le consommateur peut jouer encore plus fortement sur l'innovation et moins la subir. En offrant, la possibilité à des entreprises de se lancer voire de clairement émerger, c'est le moyen de faire un pied de nez aux grands groupes qui veulent pour certains éviter que les choses ne changent (regardez ce qui se passe dans l'univers de la téléphonie mobile lorsqu'un trublion comme Xavier Niel arrive).
La robotique : réalité ou fantasme ?
Lorsque l'on parle de futur technologique, les robots sont l'un des mots qui est souvent associé. Clairement le robot et notamment le robot humanoïde reste encore noyé dans de nombreux fantasmes hérités notamment des plus grands auteurs d'anticipation. Bruno Maisonnier (de Aldebaran Robotics), le 1er jour a fait l'une des interventions les plus remarquées sur le sujet. Le sujet selon lui n'est pas la technologie ou la capacité pour un robot à faire une action mais bien l'acceptation de l'humain de voir des robots. Le frein et, selon lui le quasi unique frein, est celui-là et ne semble pas prêt encore d'être levé. Les transitions technologiques sont longues et l'acceptation reconnue et volontaire d'une dépendance n'est aujourd'hui pas faite. Mais finalement ne sommes-nous pas devenus (ou en train de devenir) ces robots qui nous font peur ? Les Google Glass ne font-ils pas de nous au sens littéral du terme des humains connectés ? Tout comme les vêtements connectés, les capteurs, les bracelets...
Le Web dans 10 ans se construit aujourd'hui et les choix que nous (les entreprises, les législateurs, les observateurs, les consommateurs) faisons quant à la place de la technologie dans notre vie définissent clairement ce Web dans 10 ans, bien plus que les possibilités technologiques elles-mêmes.