La société va finir comme département d’un grand conglomérat américain.
Publié le 30 Juin 2014
Elie Cohen Directeur de recherche au CNRS, professeur à Sciences-Po
Après Pechiney et Arcelor, c’est un nouveau fleuron, Alstom, qui s’apprête à disparaître via une cession d’actifs. A quoi tient cette série d’échecs ?
Plusieurs facteurs expliquent les difficultés de la France à développer des champions nationaux. Tout d’abord, nous n’avons pas la culture des grands conglomérats technologiques comme les Allemands, les Coréens ou les Japonais. Nous avons démantelé les nôtres dans les années 90-2000 parce que nous avons succombé à une mode, qui voulait que l’on privilégie les « pure players ». C’est d’ailleurs les conditions de ce démantèlement qui expliquent en partie les difficultés d’Alstom puisque nous avons fait porter au groupe un niveau d’endettement trop lourd, qui s’est révélé insupportable lorsque les turbines rachetées à ABB ont rencontré des difficultés. Seconde raison, nous n’avons pas en France d’actionnaires de long terme. Le pays est passé d’un modèle colbertiste et de noyaux durs à un système de marchés financiers ouvert mais dépourvu de fonds de pension, c’est-à-dire d’investisseurs institutionnels capables de gérer leurs portefeuilles dans la durée. Dans ce contexte, c’est la logique des « hedge funds » qui s’impose. Alstom s’est retrouvé seul lorsqu’il a quitté le giron de la CGE et après le départ de l’Etat, Bouygues n’a pas les poches assez profondes pour accompagner Alstom dans la durée.
C’est une autre raison de nos échecs.La France est la troisième puissance industrielle en Europe derrière l’Allemagne et l’Italie mais elle ne sait pas créer des champions européens. On veut bien le faire lorsqu’on est dominant, comme dans l’aéronautique. Mais si ce n’est pas le cas, on refuse de passer sous la coupe allemande. Quitte à s’allier avec un acteur américain comme dans le cas d’Euronext. Pourtant, sur le papier, Arcelor ne devait pas être racheté par Mittal mais se rapprocher de ThyssenKrupp. Et il n’y avait aucune raison que les discussions entre Deutsche Telekom et France Telecom n’aboutissent pas.
L’Etat ne sait pas ce qu’il veut. Soit vous avez une politique d’attractivité et vous ne vous souciez pas de la nationalité du capital _ c’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne dans l’automobile _, soit vous cherchez à créer des champions nationaux. Nous, nous avons une politique à éclipse !
Au total, l’industrie française a violemment décroché ces dernières années. Il nous fallait un symbole de ce décrochage. Avec Alstom, on peut dire que nous l’avons.
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