La sinistralité des petits employeurs français s'accélère

Publié le 20 Octobre 2014

La sinistralité des petits employeurs français s'accélère

La sinistralité des petits employeurs s'accélère pour atteindre +30% au cours du troisième trimestre 2014.

Au global, les défaillances se stabilisent (-0,1%) au-delà des 13 000 procédures. Pas moins de 53 700 emplois sont menacés par ces procédures judiciaires, soit un millier de plus qu'il y a un an. Tels sont les principaux résultats que l'on peut tirer de l'étude trimestrielle sur les défaillances et sauvegardes d'entreprises du 3ème trimestre 2014.

Le troisième trimestre est traditionnellement le moins lourd de l'année du fait des vacances judiciaires d'août. Pourtant, cet été 2014 confirme que l'économie tourne au ralenti. Comme lors des mêmes trimestres 2013 et 2009, le plafond des 13 000 jugements est dépassé. L'essentiel des procédures, soit près de 12 800, sont ouvertes sur cessation de paiement (-0,1% par rapport au même trimestre 2013).

Toutefois, un point de différenciation est observé entre les étés 2013-2014 et la même période 2009. En effet, si le nombre d'ouvertures de redressements judiciaires recule sensiblement (moins de 3 600 en 2014 contre plus de 4 000 en 2009), à l'inverse, les décisions de liquidation judiciaire directe sans observation préalable augmentent. Près de 9 200 entreprises ont été immédiatement liquidées soit une centaine de plus que l'année dernière et 450 de plus qu'au cours du troisième trimestre 2009.

« Cette accélération des liquidations témoigne de la forte fragilité des entreprises qui se présentent actuellement devant le tribunal. » Observe Thierry Millon, Responsable des études chez Altares-D&B.


Le fossé se creuse entre les petits employeurs et les autres structures

Si les PME, en particulier industrielles, ont porté un lourd tribut à la crise, ce sont désormais les petites structures qui souffrent le plus. 4 861 employeurs de un ou deux salariés ont été placés en redressement ou liquidation judiciaire ; ils représentent désormais 38% des défaillances contre 29 % il y a un an et 25 % durant l'été 2009.

« Ces premiers emplois nécessitent de pouvoir disposer chaque mois de la trésorerie suffisante pour faire face aux versements de salaires. Or, dans ce type de structure la volatilité des affaires peut être forte et peu prévisible, souvent même d'un mois sur l'autre. Une météo défavorable, une baisse de fréquentation peuvent rapidement faire basculer les comptes dans le rouge. » Précise Thierry Millon.

Les défaillances d'entreprises de un ou deux salariés avait déjà augmenté de 17 % au cours du deuxième trimestre ; la hausse s'accélère à +30 % cet été 2014. Les trois quarts des jugements prononcés sont des liquidations judiciaires directes.

Les autres catégories d'entreprises affichent des évolutions plus favorables. Sans les structures de un ou deux salariés, les défaillances seraient en baisse très sensible de 12%. Les plus grandes d'entre-elles ne sont cependant pas épargnées ; 43 sociétés de plus de 100 salariés ont en effet déposé le bilan cet été contre 26 il y a un an. Les défaillances de groupes disposant de plusieurs filiales font enfler les chiffres. Pour ces grandes sociétés, l'atonie de la conjoncture n'a souvent fait que révéler des faiblesses structurelles anciennes. Certaines avaient déjà tenté une réorganisation de la dette au travers de procédures de conciliation ou de sauvegarde avant d'être contraintes de recourir au redressement judiciaire. La voie du redressement leur reste naturellement ouverte, le redressement judiciaire est en effet la décision prononcée par le tribunal pour plus de 80 % des sociétés défaillantes de plus de 100 salariés.

Si elles sont peu nombreuses, ces procédures judiciaires sur des sociétés de grande taille pèsent sur l'emploi. L'ensemble des défaillances d'entreprise de ce 3ème trimestre menacent 53 700 emplois soit un millier de plus qu'il y a un an.


La fragilité des petits employeurs expose les métiers artisanaux

Si la plupart des secteurs s'inscrivent sur des tendances peu prononcées, quelques-uns sont plus marqués par la vulnérabilité des petites structures.

Ainsi, le nombre de dépôts de bilan augmente dans le bâtiment (+3,2%), le commerce et la réparation automobile (+4,5%) et plus encore dans la restauration (+11,9%) tandis que le commerce de détail peine à résister (-0,9%).

Les activités B2B sont mieux orientées. Les défaillances sont en recul dans le commerce interentreprises (-4,6%), les métiers d'information & communication (-12,3%), le transport routier de marchandises (-8,0%) ou les services aux entreprises (-2,7%). L'industrie manufacturière (+0,5%) évolue peu autour d'un pivot à 630 défaillances par été depuis 2011, en dépit de tension dans la fabrication de vêtements de dessus et la mécanique industrielle.

Au-delà de ces chiffres globaux, la situation apparait bien plus compliquée en zoomant sur les entreprises de un ou deux salariés. Sur cette taille d'entreprises, il y a peu d'activités épargnées et les tendances sont lourdes : 543 restaurants (+29%), 159 artisans de bouche (+50%) principalement la boulangerie et pâtisserie, 128 débits de boisson (+45%), 127 commerces d'alimentation (+38%) majoritairement des épiceries et boucheries, 104 coiffeurs (+38%), 108 boutiques de prêt à porter (+10%)... Le plus fort « contributeur » demeure le bâtiment. Dans ce secteur, 1 271 entrepreneurs de un ou deux salariés ont défailli (+30%) dont 294 entreprises de maçonnerie générale et gros œuvre (+14%), 108 menuiseries (+42%), 131 entreprises de peinture et vitrerie (+49%).


La moitié des régions est dans le vert

La Picardie connait un recul des défaillances de 10 % ce troisième trimestre après une amélioration de déjà 10% un an plus tôt. En revanche, les baisses sensibles en Alsace (-21%), Aquitaine (-14%), Corse (-15%), Languedoc-Roussillon (-10%) et Nord-Pas-de-Calais (-12%) interviennent après un 2013 qui avait été difficile. Pays de la Loire et Haute-Normandie (-1%) résistent, ainsi que les régions Centre et Auvergne (-3%).

Sur la moitié Est de la France, exception faite de l'Alsace, les régions sont mal orientées. Les défaillances se stabilisent en Bourgogne, augmentent encore en Champagne-Ardenne (+2,5%) mais également en Franche-Comté (+13%), Lorraine (+9%), Rhône-Alpes (+11%) et Provence-Alpes-Côte-D'azur (+3%).

Sur la moitié ouest, la hausse des défaillances se situe en Basse-Normandie (+5%), Bretagne (+1%), Poitou-Charentes (+6%), Limousin (+15%) et Midi-Pyrénées (+2%).

En Ile-de-France, les ouvertures de redressement ou liquidations judiciaires avaient augmenté en 2012 puis 2013 et continuent en 2014 (+2%).


« Cet été confirme donc la démarcation constatée au printemps entre les entreprises de petites tailles et leurs consœurs. Si les PME, et a fortiori les ETI, retrouvent de la trésorerie, au prix souvent d'une stratégie d'investissement prudente voire absente, les TPE, et particulièrement les plus petits des employeurs, ne résistent plus. » Ajoute Thierry Millon.

Ces premiers emplois nécessitent de pouvoir disposer chaque mois de la trésorerie suffisante pour faire face aux versements de salaires. Or, dans ce type de structure la volatilité des affaires peut être forte et peu prévisible, souvent même d'un mois sur l'autre. Une météo défavorable, une baisse de fréquentation peuvent rapidement faire basculer les comptes dans le rouge

Thierry Millon, Responsable des études chez Altares-D&B

Au moment où la question des seuils sociaux s'invite aux débats sur leurs impacts dans la création d'emplois, la fragilité des entreprises employant un seul salarié montre qu'il ne s'agit pas juste d'un positionnement de curseur. Ces entrepreneurs manquent de visibilité pour prévoir leur business même à court terme, et gardent l'œil rivé sur leur niveau de trésorerie pour payer les fournisseurs mais aussi leur salarié.

Les frontières géographiques de l'économie mondiale sont tombées, mais celles qui séparent encore la petite entreprise et la grande sont robustes. Ce caillou coincé dans la chaussure de la croissance handicape le développement des entreprises. Avant que la PME ne devienne une ETI, il lui aura fallu souvent passer le cap de la TPE. Par ailleurs, cette forte et rapide vulnérabilité des petits employeurs fait peser un risque diffus et sérieux sur les fournisseurs. A l'heure du digital et du Big Data, les entreprises doivent se réinventer, et notamment repenser leur gestion du risque pour anticiper les menaces comme les opportunités, jusque-là difficilement prévisibles, particulièrement sur ces petites entreprises. C'est justement pour avoir su détecter avant leurs concurrents les changements de comportements de leurs clients (changement des habitudes de paiement par exemple) que les fournisseurs avertis ont pu éviter les impayés et également développer leur activité.

En cinq ans, plus de 300 000 entreprises françaises ont connu un redressement ou une liquidation judiciaire ; les seuls retards de paiement seraient à l'origine de plus de 60 000 d'entre eux, soit une année pleine de défaillance. Il est plus qu'urgent que les entreprises repensent enfin leur gestion de risque

Thierry Millon, Responsable des études chez Altares-D&B

Rédigé par OOKAWA-Corp

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