Réflexions sur une France bloquée
Publié le 5 Décembre 2014
Si notre pays semble plus que jamais marqué par le repli, la défiance ou la dépression, c’est parce que les mutations du monde qui nous entoure ne parviennent pas se traduire en bénéfices perceptibles.
Pourquoi nos actions, notre créativité, nos rapports aux autres, nos projets de vie individuels se laissent-ils déborder par la violence, le nihilisme ou la dépression ? Le diagnostic sévère des discours médiatiques et des cabinets médicaux ne suffit pas. Des murs s’élèvent entre les institutions et « nous », qui s’appellent défiance, dépression, blocage, chômage, manque de vision, déficit, régression, récession, qui distancient et réduisent la confiance au cercle familier. Dans les perceptions des individus, un « cloud » d’inaccessibles, d’anonymes, détournerait les règles sans autre vision que leurs intérêts propres. Si le collectif pèche à ce point, c’est que les brisures qui disent les mutations du monde et la difficulté pour la majorité des gens d’y faire face n’ont pas encore trouvé les moyens de se traduire en bénéfices perceptibles, matériels et psychologiques. Les effets en sont une grande confusion, le sentiment de la disparition des valeurs et une peur, fondée ou pas, de l’avenir.
Si ces transformations ont été pensées, leur transmission et leur appropriation ne se sont pas accomplies, au détriment de la confiance et d’une sécurité interne. Il est essentiel de rendre compréhensibles les analyses pertinentes des mutations du monde, pour les rendre plus familières et appropriables.
D’abord, notre rapport au temps. Il fut un temps où un avant appelait un après, des repères, des projets, des croyances dans le progrès qui autorisaient un futur envisageable et viable. Nos temporalités aujourd’hui éclatées, instantanées, gavées pour en éviter le vide, peinent à penser le futur, sauf en termes de promesse d’une vie plus longue, voire d’immortalité ! Nous avons tous la responsabilité de croire en un futur possible et désirable, qui redonne son sens au présent.
Les crises morales, spirituelles et intellectuelles touchent à la fois les institutions et les individus. Mensonges, tricheries, laideur, injustice jouxtent le ras-le-bol, le rejet, les attitudes réactionnaires et l’impuissance des « gens de peu » qui paient pour les erreurs qu’ils n’ont pas commises. Les rêves et les désirs se brisent à l’aune des injustices et de la défiance. Beaucoup relatent l’immobilisme de la France, ce qui n’est pas si sûr. Mais le rejet des réformes, par exemple, révèle, en plus des intérêts particuliers à préserver, la grande peur de changer pour un ailleurs aux effets impensables, imprévisibles, donc immaîtrisables. La mise en mouvement se décline au futur, encore faut-il croire en ses capacités d’en maîtriser un minimum les effets, positifs et négatifs, donc d’avoir bâti une bonne confiance en soi… conjuguée à la confiance en l’autre !
Il faut insister pourtant sur des initiatives aux valeurs plus humaines, qui s’incarnent dans l’économie et les projets collaboratifs et éclosent dans tous les coins du monde. Ces nouveaux rapports aux autres, à l’argent, au temps, seraient-ils des portes ouvertes pour demain ? Encore faut-il les valoriser et les favoriser. Les fonctionnements individuels et collectifs reposent sur trois piliers : le désir, le besoin de sécurité, le souci de légitimité. Le désir émeut, motive, mobilise, c’est la puissance d’agir, le fondement même de la vie. Il peut s’incarner si une protection juste conjugue la prise de risque à la conscience d’un danger circonscrit. Sinon, c’est le passage à l’acte pulsionnel ou la dépression. Le besoin de sécurité est l’autre face du vivant, mais s’illustre aussi par les situations d’angoisse et d’impuissance. Le politique s’affirme aujourd’hui en cerclant les libertés par trop de règles et de contraintes. L’hyper-précaution ne favorise pas le risque mesuré et l’audace, elle est antinomique au changement. La légitimité jouxte la reconnaissance des places et des limites dans un système de réciprocité. L’autre me reconnaît et je le reconnais, sinon jaillit le sentiment d’imposture. Les individus se veulent acteurs reconnus de leurs choix de vie, de leur travail, de leur consommation.
Les institutions et le politique, pour retrouver leur légitimité, devront questionner urgemment les promesses qu’ils profèrent et les actes qui parfois ne suivent pas. Le court-termisme et les enjeux rationalisés qui nous gouvernent sont-ils compatibles avec le bonheur tant prôné dans nos temps de dissimulation et de cynisme ? Sachons prendre des chemins de traverse pour s’affirmer vivant, unique et libre.
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