Michel Serres: pour inventer et créer, il faut savoir zigzaguer et privilégier les bifurcations
Publié le 23 Juin 2015
Julien Burri
Interview. Le philosophe français Michel Serres, 84 ans, signe son soixantième livre, «Le gaucher boiteux», une magnifique leçon de création. Pour réussir, il faut boiter et penser de travers.
Anachronique et contemporain.
Chez Michel Serres, ces deux caractéristiques s’enrichissent l’une l’autre. L’académicien ne pourrait plus vivre sans son smartphone, mais son écriture rappelle en écho celles de Gaston Bachelard ou de Jules Michelet.
Des penseurs de traverse du XIXe et du XXe siècle, à la fois scientifiques et poètes. Une école française, unique au monde. Michel Serres englobe sciences et arts, histoire et technologies, avec un esprit de synthèse devenu aujourd’hui trop rare.
La rue Jules Michelet, justement, mène jusqu’à sa porte. Nous sommes à Vincennes, près de Paris, dans une maison remplie de livres, avec un jardin foisonnant. «Ah oui, les livres, il y en a partout», soupire le maître des lieux, yeux gris rieurs, sourcils blancs luxuriants.
Il a une heure à nous accorder, avant un rendez-vous sur Skype. «Merci d’être venu de Lausanne… La vue sur les Alpes savoyardes qu’offre votre ville est le plus beau paysage que je connaisse. Il n’y a peut-être qu’à Vancouver que j’en ai vu de si beau…»
Vous vous décrivez physiquement et intellectuellement comme un «gaucher boiteux»… Créer, selon vous, impose de ne pas aller droit?
La route qui mène à Genève va toujours à Genève! Si vous la suivez, vous n’inventerez rien. Le but de votre voyage sera le projet de votre voyage. Un vrai voyage, c’est celui qui enseigne autre chose que ce qui était prévu. Il faut bifurquer, pour créer et découvrir. Pensez à Christophe Colomb.
Si vous interrogez les découvreurs sur la manière dont ils ont procédé, la plupart du temps ils ont découvert ce qu’ils ne cherchaient pas. La recherche scientifique, aujourd’hui, est très orientée. Ce n’est pas ainsi qu’on invente. La véritable découverte est imprévue.
C’est pour cela que vous aimez la foudre, qui zigzague. Vous y revenez souvent dans votre texte. Mais la foudre peut aussi tuer…
Vous n’avez jamais eu le coup de foudre pour une personne? (Sourire.) C’est de cela qu’il s’agit! L’invention tombe, on ne sait pas d’où elle va venir, ni quand. Elle a quelque chose d’aveuglant. Vous savez, une réelle invention ne se voit jamais. On met longtemps à la reconnaître.
Prenez Newton, qui découvrit l’attraction universelle. Toutes les académies des sciences ont refusé cette découverte pendant cent cinquante ans. Cette nouveauté était si forte que personne ne l’a vue. Quant aux orages, j’en ai vécu de très sérieux, j’ai même été porté disparu six jours en mer, lorsque je naviguais dans la Marine nationale.
Gouverner, cela veut dire cela: manœuvrer le safran du gouvernail. Faire des zigzags. Penser, c’est bifurquer.
La première chose qui marque, en vous lisant, c’est le style. Vous êtes autant écrivain que philosophe?
Il n’y a pas beaucoup de frontière entre la philosophie et la littérature, en langue française. C’est pratiquement unique dans l’histoire. Sauf chez Platon. Nous sommes les héritiers de Diderot, Voltaire, Bergson, qui tous avaient le souci de la forme. Mais j’essaie aussi d’oublier la technicité abrupte pour me couler dans la langue courante.
Les idées sont là, au second plan. Mais, au premier, il faut que ce soit souriant, accueillant. La technique est là. Seulement, on ne la fait pas voir…
Ce qui séduit ensuite, c’est votre esprit de synthèse. Vous tracez les lignes d’un «grand récit» pour replacer l’humain dans le cosmos…
Penser, c’est être en lien avec le cosmos. Comme je l’ai écrit, le monde ne nous environne pas, il nous construit de part en part. La science nous offre un grand récit bifurquant, qui va du big bang jusqu’à nous. Les scientifiques en sont tous, en commun, les auteurs. Alors que le postmodernisme avait annoncé la mort définitive de tout récit englobant…
Vous voulez nous rappeler que nous avons aussi un corps. Que, sans le corps, «l’intelligence reste bête et lourde»…
J’ai souffert de la séparation dramatique entre les scientifiques et les littéraires. C’est pour cela d’ailleurs que j’ai beaucoup de collègues ronchons: ils sont coupés du monde moderne parce qu’ils ne connaissent pas la science. Les nouvelles technologies pourraient, par leur culture en réseau, favoriser des échanges transdisciplinaires. J’insiste beaucoup sur ces traversées, dans mon livre. L’analyse n’est pas très intéressante, c’est la synthèse qu’il faut rechercher.
Nous entrons dans une nouvelle civilisation?
«Civilisation» est un grand mot. Mais il y a une bascule de culture aussi importante que celle qui avait eu lieu au moment de l’invention de l’écriture. Entre le moment où on ne faisait que parler et celui où l’écriture s’est imposée. Socrate méprisait l’écriture.
Et Platon, lui, écrivait. Lorsque l’écriture est arrivée, tout a changé: la science, la géométrie, le droit, la paidéia (les sciences de l’éducation, ndlr), etc. De même avec l’invention de l’imprimerie.
Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, nous vivons une troisième révolution.
Le livre papier va disparaître?
Je vais vous raconter une histoire pour vous amuser. Je suis un ancien marin et me suis intéressé à l’évolution de la marine. Il est arrivé, au début du XXe siècle, un événement considérable: la voile a été concurrencée par la machine à vapeur. Imaginez: nous sommes en 1920, tous les deux, et discutons de l’avenir de la marine.
Nous sommes d’accord pour dire que la voile, c’est fini. Aujourd’hui, en 2015, visitons tous les ports du monde: nous y trouverons dix fois plus de voiliers que de bateaux à moteur. Notre pronostic de 1920 était absolument certain, mais complètement faux. Le livre papier, que voulez-vous que je vous dise? Il est certain qu’il va mourir, mais comme la voile!
Beaucoup de vos confrères sont «ronchons» (Alain Finkielkraut, Eric Zemmour), alors que vous, vous êtes émerveillé!
Ce n’est pas la peine de pleurer sur un monde disparu. Je ne peux pas faire autrement que de vivre dans ce monde. Il est devant moi, il faut que je le pense, que je sois lucide sur lui, pour aider mes enfants, mes étudiants, les générations futures. La philosophie veut dire sagesse. Sagesse, pour moi, veut dire sage-femme.
Etre l’accoucheur du monde futur. Je suis une sage-femme! Les ronchons disent volontiers: avant, c’était mieux. Ça tombe bien, parce qu’avant, j’y étais! Eh bien nous étions gouvernés par Franco, Mussolini, Lénine, Staline, Mao, Pol Pot, Hitler, etc. Rien que des braves gens qui nous ont coûté 150 millions de morts.
Nous vivons depuis soixante-dix ans en paix. C’est unique dans l’histoire. Je suis très content de vivre dans ce temps. Mon optimisme est un optimisme de combat. Bien sûr, notre époque est mouvante, tourbillonnaire. Ceux qui sont angoissés, c’est parce qu’ils n’ont ja- ja- jamais navigué (il reprend la mélodie de la chanson Il était un petit navire et rit).
Une époque nouvelle impose de réinventer les institutions et la politique. La France est-elle capable de le faire?
Ce qui m’a beaucoup frappé, en janvier, c’est la manifestation qui a suivi les attentats de Charlie Hebdo. Elle avait trois caractéristiques: premièrement, elle était silencieuse. Deuxièmement, elle n’était ni pour ni contre une décision ou une personne. Enfin, les gens, en disant «je suis Charlie», disaient simplement «je suis». Avant, on ne disait pas «je suis».
On disait «nous sommes». C’est une nouveauté d’une morale sociale inédite. Nous avons assisté à une triple bifurcation historique. C’est infiniment rare d’être en présence d’une invention sociopolitique. J’ai pleuré d’émotion devant une telle nouveauté.
La France s’est réinventée à cette occasion. On peut inventer la tarte Tatin par erreur, mais se réinventer soi-même, c’est encore plus fort.
Vous qui avez traversé des décennies, n’avez-vous pas l’impression d’avoir vécu une succession de crises?
Oui, une crise perpétuelle. Le nouveau monde était sans cesse en train de percer.
En quoi consiste notre humanité? Dans cette inadaptation de base au monde?
Le terme humanité a deux sens: il désigne la collectivité humaine d’un côté, et la bonté, le fait de faire un acte d’humanité de l’autre. Je choisis plutôt le second sens.
Soixante livres, et autant de bifurcations intellectuelles, dessinent une pensée très cohérente. Qu’en pensez-vous, avec le recul?
C’est un parcours assez bifurquant, en effet. Mais je ne suis pas responsable. Quelque chose en vous se met en route et vous fait écrire des livres. Je n’y peux rien. Ce n’est pas moi qui les ai faits, ces livres. En tout cas, c’est davantage l’enfant que j’étais, celui qui naviguait sur la Garonne, celui qui a fait l’expérience de la nature et a été mû par l’univers, qui les a écrits. Pas le professeur.
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