« Solar Impulse 2 » atterrit à Hawaï après cinq jours de vol sans carburant
Publié le 4 Juillet 2015
Au-delà de la réussite technique de l’avion, c’est une performance physique et mentale extraordinaire et historique
L’avion solaire « Solar Impulse 2 » (SI2), parti du Japon le 28 juin, a atterri vendredi 3 juillet à 17 h 55 (heure suisse) sur le second aéroport de Honolulu, à Hawaï. Et si son pilote, André Borschberg, est entré dans la légende de l’aviation en le posant là, c’est un peu – comme il n’a de cesse de le rappeler – grâce à son yogi personnel, Sanjeev Bhanot.
Sanjeev Bhanot, qui le suit depuis une décennie, l’a préparé pour lui permettre d’accomplir l’un des plus grands exploits aéronautiques : voler durant environ cinq jours et cinq nuits sans escale ni autre carburant que les rayons du soleil, au-dessus d’un environnement hostile, l’océan Pacifique. « Je tire ma force mentale et ma résistance de la méditation et du yoga », a souvent confié aux médias durant le vol le directeur du projet et ingénieur en chef de l’aéroplane.
« Fantastique exploit humain »
Parmi les experts de l’aviation, tous reconnaissent « le fantastique exploit humain », résume Pierre Condom, directeur de la revue Interavia. « Au-delà de la réussite technique de l’avion, c’est une performance physique et mentale extraordinaire et historique, ajoute Olivier de Sybourg, chef du domaine de l’aviation au Service d’enquête suisse sur les accidents d’avion (SESA). C’est évidemment de très bon augure pour l’accomplissement du tour du monde » entamé le 9 mars à Abu Dhabi.
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Le périple transpacifique qui s’est achevé vendredi à Hawaï, et qui a permis à André Borschberg de battre le record du plus long vol en solitaire sans ravitaillement, 117 heures et 51 minutes passées en l’air, n’était en effet qu’une étape d’un chapelet de treize autour du globe.
Celle-ci a commencé dimanche dernier en catimini à Nagoya, où l’avion solaire avait été contraint de se poser il y a un petit mois, alors en provenance de Chine, les conditions météorologiques s’étant soudainement fortement dégradées au point d’empêcher la grande traversée. Au Japon, une première tentative de nouvel envol avait été annoncée aux médias le 23 juin, avant d’être annulée à la dernière minute, contraignant André Borschberg à rentrer à l’hôtel pour ronger son frein, et arrachant quelques larmes de déception à Bertrand Piccard, l’instigateur du projet et second pilote, sous l’œil des caméras.
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8 000 kilomètres de montagnes russes
Mais le 28 juin — et cette fois sans avoir prévenu la presse — départ ! Pour 8 000 km environ, parcourus à une vitesse variant entre 70 et 100 km/h, en jouant aux montagnes russes : chacun des cinq jours, l’aéroplane a grimpé à 10 000 m d’altitude pour recharger ses batteries avec ses 17 248 cellules photovoltaïques, avant de planer puis de voler à plat dans la nuit, entre les nuages et deux fronts froids. Le second, franchi comme un mur lors du quatrième jour, a causé des sueurs froides au pilote autant qu’aux ingénieurs du Centre de contrôle, à Monaco, en raison des fortes turbulences rencontrées. Cela surtout alors qu’André Borschberg, 62 ans, qui a dormi par tranches de vingt minutes durant le périple, avait accumulé une grande fatigue.
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Plus tôt, justement durant ces périodes de repos, un autre souci majeur était apparu : le pilote automatique ne cessait d’enclencher des alarmes dans le cockpit de 3,8 m3. Les ingénieurs, dans une manœuvre délicate, ont alors demandé au pilote d’éteindre et de relancer certains systèmes électroniques. Et tout est rentré dans l’ordre. « Malgré cela, l’avion s’est très bien comporté, tant il a été construit avec minutie par toute l’équipe », souligne l’astronaute Claude Nicollier, responsable des premiers essais en vol. « C’est une magnifique récompense pour les dizaines d’ingénieurs qui ont œuvré à ce projet depuis plus d’une décennie », ajoute Olivier de Sybourg, qui les a vus travailler dans le hangar du SESA, à Payerne, où le SI2 a été finalisé.
Les larmes de Bertrand Piccard
Arrivé il y a deux jours à Hawaï, et alors qu’il scrutait dans la nuit l’avion qui faisait des ronds dans le ciel — l’équipe a attendu l’aube pour faire poser l’avion afin de prendre des images en vol sur Hawaï — Bertrand Piccard a expliqué sur Internet son émotion et les larmes — de joie cette fois — qu’il a versées lorsqu’il a aperçu les seize phares d’ampoules LED de l’avion large de 72 mètres.
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Et de raconter : « Lorsque, le 29 juin, nous avons passé le point de non-retour, j’ai ressenti un sentiment absolu et irréversible que nous allions y arriver. C’était si puissant que rien, ni chez André ni chez moi, ne pouvait nous faire changer d’avis concernant l’issue de ce vol. »
Un périple qui, outre les séquences de pilotage pur, les siestes et les nombreuses sollicitations en plein ciel de médias du monde entier, a alors aussi permis à André Borschberg de se détendre. En lisant un livre d’anecdotes écrites par son équipe et caché dans le cockpit. Ou en s’amusant, lorsqu’il s’est affublé d’une longue barbe, s’étonnant qu’elle ait poussé pendant la nuit. « Une autre journée ordinaire au bureau », blaguait-il même sur Twitter à l’aube du quatrième jour de vol.
A peine posé, l’avion a été pris en charge par les ingénieurs, qui doivent l’ausculter et le remettre en état pour la suite, imminente, de l’aventure : dans trois jours au mieux, si la météo le permet, c’est Bertrand Piccard qui prendra les commandes pour achever la traversée du Pacifique et rejoindre Phoenix, aux Etats-Unis.
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