e-reputation, Ne défiez Pas les Réseaux sociaux : le procès BOULANGER
Publié le 22 Septembre 2015
BOULANGER DANS LE PÉTRIN
23 juillet : la CNIL met en demeure Boulanger après avoir été informé de "commentaires abusifs" que la société tenait à jour sur ses clients. La Toile s'enflamme, les équipes réagissent peu, ou trop tard. Ca ne pardonne pas... Une tribune de Cyril Chaudoit, Directeur de l’Innovation Digitale chez The LINKS.
Suite à une mauvaise expérience avec un vendeur, une cliente de l’enseigne demande à consulter sa fiche. Elle y découvre alors des qualificatifs injurieux et s’en plaint à la CNIL, qui diligente immédiatement une enquête. 5 828 commentaires insultants ou discriminatoires sont découverts par la commission : « juive », « fort accent africain », « pas de cerveau », « grosse connasse»… les épithètes font le tour du web en quelques heures.
En moins d’une semaine, la plateforme recense plus de 700 tweets et une couverture totale (reach) estimée à plus de 5 millions d’impressions autour du hashtag #boulanger (source http://www.tweetarchivist.com).
En valeur absolu, le nombre de tweets peut sembler faible (700 en une semaine), mais il est à mettre en perspective de deux autres éléments : 1. Nous sommes fin juillet ; 2. Pendant cet épisode, la grande majorité des mentions de la marque (@boulanger) sont très directement associées à l’affaire.
C’est l’article du Monde qui met véritablement le feu aux poudres (partagé près de 2,5 fois plus que le second article le plus viral, celui de 20 Minutes).
Le lendemain matin (9h07), le compte officiel de l’enseigne @Boulanger publie un tweet d’excuses qui n’obtiendra pourtant pas une couverture équivalente à celle de ces détracteurs (94 RT, 29 favoris).
La ligne de défense peut se résumer ainsi : nous découvrons comme vous la situation grâce à la CNIL et allons prendre les mesures qui s’imposent. Bref, nous sommes victimes. Mais l’étendue de la pratique laisse le web dubitatif et sonne en creux un peu plus comme un « …nous nierons avoir eu connaissance de vos agissements ».
De plus, l’enseigne semble avoir fait le choix de circonscrire sa prise de parole à ce tweet.
Certes, il est d’usage en situation de crise de rester sobre dans ses réponses. Mais avec « seulement » 34 000 followers sur Twitter et plus de 320 000 fans sur Facebook, Boulanger privilégie le canal le plus utilisé par les médias et les professionnels plutôt que de s’adresser directement à sa (vraie) communauté de clients. Pourtant, ces derniers s’expriment aussi sur le wall Facebook de la marque.
En réalité, le community management de l’enseigne ouvre le 28 juillet, soit cinq jours après le début de l’affaire, une page Facebook spéciale intitulée « Boulanger s’engage auprès de vous ! » et proclamant « Nous souhaitons écouter vos remarques, vos questions, vos suggestions et construire avec vous une relation client exemplaire ».
C’est ainsi que les clients outrés sur Facebook obtiennent enfin une réponse à leurs publications le 29 juillet pour les renvoyer vers cette page qui totalise à fin août… 147 membres. Davantage conçue comme la vitrine d’une profession de foi écrite dans l’urgence, et surtout comme une voie de garage visant à étouffer un feu qui couve sur la page officielle, la ficelle est trop grosse et ne prend pas.
Que peut-on retenir de ce cas d’école ?
Une marque se fait épingler pour les mauvaises pratiques de quelques collaborateurs, dont elle prétend n’avoir jamais eu connaissance. Mais alors que les réactions - épidermiques - de ses clients pullulent sur les réseaux et que la presse - nationale et internationale - relaie massivement l’information, l’enseigne fait le minimum syndical avec un tweet parlant de « dysfonctionnement » et la création tardive d’une page Facebook « défouloir » n’appelant pourtant guère plus au dialogue.
C’est en tout cas comme cela que l’on peut à ce jour percevoir l’attitude de Boulanger.
Reste à observer la suite qui sera donnée à cette affaire. L’enquête interne étant en cours, et la CNIL ayant donné trois mois à l’enseigne pour se conformer à la loi, l’enseigne peut encore inverser la vapeur et se servir de cette crise pour faire sa révolution de l’approche client et le faire savoir. Dans une certaine mesure, Boulanger pourrait par exemple s’inspirer de Nestlé qui à l’époque du bad-buzz Kit-Kat avait habilement rebondit en informant et impliquant sa communauté tout au long du déploiement de sa nouvelle politique d’approvisionnement en matière d’huile de palme.
Car si avec le web une crise en chasse une autre, les traces n’en sont pour autant pas moins tenaces et tout le challenge consiste à les compenser par des preuves de bonne foi.
Cyrille Chaudoit – Directeur de l’Innovation Digitale chez The LINKS
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