En France, Auchan déchante - A cause d'Internet et du e-commerce ?

Publié le 3 Décembre 2015

Nous croyons en l'hyper, mais pas à celui d'il y a dix ans, qui est condamné à dépérir!

Emmanuel Zeller,porte-parole d'Auchan France au sein de la direction

L'époque où on venait avec plaisir y faire ses courses en famille est finie, c'est vécu aujourd'hui comme une contrainte

Emmanuel Zeller,porte-parole d'Auchan France au sein de la direction

En France, Auchan déchante - A cause d'Internet et du e-commerce ?

Auchan traverse une passe difficile dans l'Hexagone : après une année 2014 décevante, son chiffre d’affaires a de nouveau subi une baisse de 2,9 % au premier semestre. En octobre, l’annonce d’une nouvelle organisation du groupe a été suivie de changements dans son organigramme. Vincent Mignot, directeur général France depuis 2010 quitte son poste (il reste dans le groupe) et laisse les rênes des hypers à Frédéric Bellon. Cette nouvelle gouvernance parviendra-t-elle à renverser la tendance…?

Quelle stratégie le groupe a choisi pour se relancer ?

Scénario 1 : Plonger dans une guerre des prix agressive, façon Géant ou Leclerc.

Scénario 2 : Renforcer l'alliance avec Système U et intégrer ses hypermarchés.

Scénario 3 : Rénover les hypers et moderniser les rayons non alimentaires.

Il a choisi les scénarios 2 et 3 : Auchan s'est enfin lancé dans la bataille de la proximité à Paris. Objectif : porter son parc de 35 A2pas à 100 fin 2016.

Dans la banlieue de Lille, l'hyper Auchan de Villeneuve-d'Ascq tient du monument historique. Cet emblème de l'âge d'or de la grande distribution, planté là depuis 1977, se trouve à cinq minutes de voiture du siège d'Auchan, le fief Mulliez, la famille fondatrice du groupe. Mais ces derniers mois, les habitués s'y perdraient presque !

Au rayon textile, une boutique de costumes sur mesure a poussé en avril, avec prise de mesures dans une cabine bardée de caméras. Plus loin, un espace cadeaux flambant neuf aligne des jarres de bonbons et de la vaisselle tendance. Un étage plus bas, une boucherie ouverte a remplacé le mur de bacs à viande réfrigérés, et un stand propose des légumes frais prédécoupés. Bref, ici, on teste une batterie de nouvelles idées pour appâter le chaland.

Il faut dire qu'il y a urgence. Dans ce magasin, les ventes ont chuté de 185 millions d'euros en 2012 à 165 millions l'an dernier : - 10,8% en deux ans...

VILLENEUVE-D'ASCQ n'est pas un cas isolé. Alors que le géant nordiste prospère à l'étranger (63% de son business), notamment en Chine et en Europe de l'Est, en France, ses hypers sont à la peine.

> 63% du chiffre d'affaires est réalisé à l'étranger (49 hypers ouverts en Chine en 2014; 84 hypers et 155 supermarchés en Russie; 57 hyper rachetés en Pologne en 2014)

Au premier semestre 2015, son chiffre d'affaires accuse - 2,9%, après une baisse de 2,2% en 2014. «A ce niveau-là, c'est une gifle, une déculottée monstrueuse», s'alarme l'expert en grande distribution Olivier Dauvers. «Les résultats sont au-dessous de nos attentes et le resteront sans doute cette année», concède Emmanuel Zeller, porte-parole d'Auchan France au sein de la direction. Quant au nombre de clients, après un regain en début d'année, il a rechuté cet été.

Très déstabilisé par la guerre des prix et le retour en forme de Carrefour, le groupe a vu ses marges fondre. Pour preuve, la part variable des cadres et des caissières a baissé de l'équivalent de trois mois de salaire en cinq ans: «On est passés de 17,2 à 14,2 mois», calcule Pascal Saeyvoet, délégué FO.

LES ENNUIS ont commencé en 2012, quand Géant Casino a décidé de sacrifier brutalement ses prix, allant jusqu'à rattraper Leclerc. Lequel en a remis une couche, bientôt suivi par Carrefour. «Nous avons décidé de ne pas entrer dans cette guerre folle, irrationnelle, qui ne profite à personne», raconte Emmanuel Zeller.

Mais Auchan a pourtant été obligé de suivre le mouvement début 2014, à reculons, sans communiquer, avec une baisse moyenne de 2,3% selon les panelistes. Elle est restée sans effet notable sur la fréquentation de ses hypers tandis que la guerre des prix se poursuivait. L'enseigne dispose pourtant d'atouts, avec ses rayons «self-discount» et des tarifs attractifs sur le frais.

L'autre problème - de taille - d'Auchan est sa spécialisation dans les très grands hypermarchés.

Ceux-ci dépassent souvent les 10.000 mètres carrés, le record du secteur. Or ces immenses hangars n'ont plus les faveurs des consommateurs à l'ère d'Internet. «L'époque où on venait avec plaisir y faire ses courses en famille est finie, c'est vécu aujourd'hui comme une contrainte», analyse Bertrand Gobin, bon connaisseur de l'empire Mulliez.

«Auchan a été le meilleur sur l'hyper pendant des décennies, et a donc compris plus tard que les autres la maladie de ce format», note Olivier Dauvers. La maladie ? Celle qui touche le «non-alimentaire», cet espace bazar qui va des vêtements aux téléviseurs, en passant par les valises. Ces rayons subissent la concurrence impitoyable de l'e-commerce, et également celle de magasins thématiques agressifs, les «category killers». «On trouve maintenant des 1.000 mètres carrés spécialisés dans le rangement», pointe Emmanuel Zeller. Difficile de lutter.

Auchan tarde aussi à retrouver ses marques après une lourde réorganisation interne. Pour alléger ses coûts, l'enseigne vient d'achever un plan de départs volontaires de 800 cadres de magasins, soit un sur six. Des postes de chef de rayon et de secteur surtout, dont une partie du travail a été redéployée avec l'embauche de 560 employés de base, appelés à prendre plus d'initiatives.

«Dans les faits, cela revient surtout à faire le même boulot avec moins de gens», juge Guy Laplatine, délégué CFDT. A Perpignan, par exemple, le nombre de cadres a été divisé par deux, passant de 50 à 25. L'approvisionnement des linéaires en devient parfois complexe. «On se retrouve dans certains cas avec des rayons vides l'après-midi ; on pourrait vendre des planches, ironise Pascal Saeyvœt. Alors on met en place des équipes transverses «commandos», qui se déplacent selon les besoins !» Cette période d'adaptation est jugée normale par la direction d'Auchan France, qui plaide une transition nécessaire.

POUR RASSURER ses troupes et relancer la machine, elle s'attelle à son plan de reconquête. Il y a le chantier de long terme, la refonte des magasins. «Nous croyons en l'hyper, mais pas à celui d'il y a dix ans, qui est condamné à dépérir», tranche Emmanuel Zeller. D'abord, remuscler les rayons frais, comme cela a été fait à Villeneuve-d'Ascq ou à Gap avec des stands boucherie et fromagerie plus appétissants.

Mais le gros du travail concerne le non-alimentaire. «Auchan va développer ses marques originales, qui seront au cœur de l'assortiment, comme Decathlon le fait avec Quechua», décrypte Olivier Dauvers.

Pour les produits high-tech, la nouvelle religion est le «cross-canal». En clair, un client pourra commander une télévision en ligne et venir la chercher en hyper, ou bien la tester dans un showroom aménagé en magasin et se faire livrer à domicile. «Sur l'électrodomestique, on est encore en réflexion, trois tests très différents vont être lancés», explique Emmanuel Zeller. A Petite-Forêt, dans le Nord, ce sera un aménagement d'enseigne spécialisée, type Fnac. A Nogent-sur-Oise, une offre ultra-discount de produits vendus nus ou avec options. Et à Maurepas, un espace doté d'écrans et de conseillers, relié à un gros entrepôt attenant. Une sorte de petit Amazon !

L'ALLIANCE avec Système U, en chantier depuis un an, doit aussi renforcer l'enseigne. Elle va d'abord lui permettre de peser plus lourd dans les négociations avec les fournisseurs. «Leclerc ou Carrefour bénéficient de conditions d'achat leur permettant de faire la différence sur le discount. Nous n'avions pas d'autre choix que d'atteindre cette taille critique», plaide l'enseigne.

La centrale d'achats Eurauchan négocie également pour U et gère désormais 22 milliards d'achats, contre 11 auparavant. L'accord porte pour l'instant sur les grandes marques, et plusieurs spécialistes estiment qu'il génère un gain de 1 à 1,5 point des conditions d'achat. Ce qui a déjà permis au nordiste d'afficher des résultats positifs au dernier semestre.

Une deuxième étape, examinée par l'Autorité de la concurrence, consiste en une quasi-fusion entre les deux distributeurs : outils informatiques, réseaux logistiques, et même échange de magasins. «On explore tout ce qu'on pourrait mettre en commun», explique Emmanuel Zeller.

Surtout, chacun va se concentrer sur ce qu'il sait faire le mieux. Dans les trois ans, une cinquantaine d'Hyper U, gérés par des indépendants, pourraient passer sous bannière Auchan, en franchise, un modèle nouveau pour le groupe. Auchan est très intéressé par ces formats plus petits, de 3.000 à 5.000 mètres carrés, qu'il n'exploite pas encore. Quant à ses Simply Market, peu performants, ils se convertiront en Super U, le spécialiste de ce format.

RESTE À TROUVER un nouveau slogan, susceptible de faire revenir les clients. «Et vous, la vie, vous l'aimez comment ?», demande Auchan dans sa dernière campagne publicitaire. Moins concret que son ancien message, «Vivons mieux, vivons moins cher».

Ce thème taraude la direction marketing, qui, selon nos informations, prépare pour 2016 une vaste campagne de pub sur le thème des prix bas. Le but : prouver, via un indicateur indépendant, que le vrai Caddie type des Français est moins cher chez l'oiseau qu'ailleurs. En voilà une idée !

Une direction France sans Mulliez :

Arnaud Mulliez : peu impliqué, le fils du fondateur Gérard Mulliez a quitté la présidence d'Auchan France il y a près d'un an.

Vincent Mignot : pur produit Auchan et directeur général France depuis 2010, il devait conduire la stratégie Cap 2020. Il vient de quitter son poste pour Auchan Chine.

Frédéric Bellon : ancien directeur général d'Auchan en Roumanie, il va devoir remettre sur pied les hypers d'Auchan.

source : http://www.msn.com/fr-fr/finance/actualite/en-france-auchan-d%c3%a9chante/ar-AAfW1Tk?li=AAaCKnE&ocid=iehp

Repost0
Commenter cet article