Thomas COVILLE, skippeur de Sodebo passe le Cap Horn ...
Publié le 7 Décembre 2016
Dans l'océan Indien, pendant dix jours d'affilée, j'ai eu entre 30 et 40 noeuds, avec des vagues qui atteignaient parfois 10 m. Et il faut éviter de faire la petite erreur car, en multicoque, la moindre petite erreur est mortelle...
Cet entonnoir que, nous marins, attendons tous et que moi j'appelle le cap de Bonne Délivrance. Parce que, lorsque tu l'as franchi, tu sais que mère Nature t'a laissé passer...
Sur le chemin du cap Horn, j'avais une très grosse dépression tropicale juste derrière moi, si elle avait accéléré ou si j'avais ralenti, la rencontre des deux aurait été catastrophique... C'était un ouragan, alors.
Lancé dans la course au record du tour du monde en multicoque en solitaire, le skippeur de « Sodebo » va franchir le cap Horn la nuit prochaine. Un soulagement.
Au bout du fil, sa voix est enjouée. Les deux pieds sur la terre ferme, on en oublierait presque qu'à des milliers de kilomètres de là, non loin de l'Antarctique, Thomas Coville brave le danger, seul sur un maxi-trimaran de 31 m. La nuit prochaine, le marin lancé dans le record autour du monde devrait franchir le cap Horn, « cet entonnoir que, nous marins, attendons tous et que moi j'appelle le cap de Bonne Délivrance. Parce que, lorsque tu l'as franchi, tu sais que mère Nature t'a laissé passer... »
Jamais un homme seul sur un bateau aussi grand n'était parvenu à dompter les mers du Sud.
Thomas Coville y aura passé un peu plus de deux semaines. Et son récit est saisissant. « Sur le chemin du cap Horn, j'avais une très grosse dépression tropicale juste derrière moi, si elle avait accéléré ou si j'avais ralenti, la rencontre des deux aurait été catastrophique... C'était un ouragan, alors. » Et le marin de reprendre. « Dans l'océan Indien, pendant dix jours d'affilée, j'ai eu entre 30 et 40 noeuds, avec des vagues qui atteignaient parfois 10 m. Et il faut éviter de faire la petite erreur car, en multicoque, la moindre petite erreur est mortelle... » Le skippeur s'interrompt. « Quand on a dit ça... » On devine soudain l'extrême danger sur cet Ultim « Sodebo » qui flirte avec les 16 t. « L'autre jour, une manoeuvre ne s'est pas bien passée, ça a duré deux heures. Une voile de 160 kg a commencé à partir à l'eau. Je l'ai ramenée à bord, centimètre par centimètre, j'étais tétanisé. A la fin, je me suis écroulé, j'ai mis 7 ou 8 heures à récupérer. »
Coville l'avoue : « Dans ce tour du monde, rien ne ressemble à ce que je pouvais imaginer. C'est très varié comme engagement physique. Entre Kerguelen et le cap Leeuwin, je sentais la présence des glaces, la tension nerveuse était extrême tant il fallait serrer les dents dans l'intensité des vagues et du vent. L'Indien est tout en nuances, on le traverse tel un daltonien. La température de l'eau était descendue à zéro. A l'intérieur de l'habitacle, ça se mettait à condenser, j'ai été obligé de faire des gouttières afin que l'eau ne tombe pas sur la bannette où je dors. Même chauffer de l'eau pour préparer mes plats était compliqué. Dans le Pacifique, les 4 degrés ont tout changé. Et ça peut paraître con, mais qu'est-ce que j'ai apprécié le retour de la lune ! »
Le skippeur de « Sodebo », toujours largement en avance sur le record détenu par Joyon (il pourrait arriver à Brest le 31 décembre*), a « hâte de sortir du tunnel ». « Je suis un supra privilégié mais, pour autant, les mers du Sud, ce n'est pas un endroit où l'on a envie de rester. Ça demande un tel niveau d'éveil. » Ces derniers jours, Thomas Coville a dormi par tranches de vingt-trois minutes. « Je suis fatigué, mais de savoir que je suis en avance sur le record me donne de l'énergie. » A Brest, il retrouvera sa femme et ses enfants. « La famille, c'est la corde sensible, lâche-t-il soudain. Je n'ai pas parlé à mes proches depuis mon départ (le 6 novembre), c'est tellement compliqué de gérer les émotions par téléphone que l'on échange par écrit. A la lecture de certains mails, je fonds en larmes. Pour ne pas basculer, il faut gérer, contrôler ce qu'on ressent... Je le concède, c'est dur pour eux, pour moi, mais c'est sans doute mieux... »
* Pour battre le record de Joyon (57 jours, 13 h 34'6''), Coville doit arriver avant le 3 janvier à 4 h 22'57''.
source : http://www.leparisien.fr/informations/coville-raconte-l-enfer-07-12-2016-6422754.php
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