Quatre gestes essentiels pour diminuer votre empreinte carbone numérique

Publié le 23 Février 2019

 

Quatre gestes essentiels pour diminuer votre empreinte carbone numérique

On a tous plus ou moins vu les chiffres : les nouvelles technologies ont un bilan écologique désastreux. Vous pensez qu'effacer vos vieux e-mails ou faire vos recherches avec Ecosia suffit ? Vous avez tout faux. Frédéric Bordage, fondateur du site Green IT et expert du numérique responsable, vous explique comment changer vraiment la donne.

Pendant longtemps, les impacts environnementaux du numérique ne passionnaient pas les foules. Les choses commencent-elles à changer ?

Frédéric Bordage : Effectivement, on sent un véritable basculement du côté des consommateurs. Du coup, de nombreuses entreprises tentent de s’y intéresser. Mais leur communication s’appuie le plus souvent sur des contrevérités, car les vrais gestes écologiques vont à l’encontre de leurs intérêts.

Pour être écoresponsable, j’ai cru comprendre qu’il fallait effacer mes vieux mails. J’ai tout bon ?

F. B. : Eh bien non, c’est raté. Supprimer vos mails a très peu d’impact ! Pour la petite histoire, c’est la puissance de communication d’Orange qui a contribué à répandre cette contrevérité qui tourne désormais en boucle dans les médias. À l’occasion de la COP21, l’opérateur voulait évaluer les conséquences de stockage d’un mail pendant un an en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Le problème, c’est que le cabinet de conseil qui a réalisé ce calcul s’est planté d’un facteur 400, mais comme l’opérateur avait déjà lancé sa campagne, il n’a pas voulu corriger le tir.

On entend souvent que le numérique représente 2 % des émissions de CO2, autant que le secteur de l’aviation. Ce chiffre-là est-il solide ?

F. B. : C’était un ordre de grandeur calculé par un ancien responsable de centrale électrique devenu consultant chez Gartner. Aujourd’hui, ce chiffre ne veut plus rien dire. J’ai refait les calculs afin de prendre en compte non seulement l’ensemble des équipements connectés à l’Internet (ordinateur, smartphone, télévision, console de jeu, etc.) mais également l’empreinte du réseau et des data centers. Si on cumule tous ces éléments, le numérique représente plutôt 4 % des émissions de gaz à effet de serre, et 5,6 % des émissions de CO2.

Mais alors, quels sont les éléments les plus polluants ?

F. B. : On accuse souvent les data centers. Mais l’impact du numérique ne s’arrête pas à sa consommation électrique. Les plus gros impacts viennent de l’extraction des matières premières et de leur transformation en composants électroniques. Cela provoque l’épuisement de ressources minérales et fossiles non renouvelables, et des pollution diverses. Or, on produit beaucoup plus de smartphones et d’ordinateurs qu’on ne construit de serveurs. Leur multiplication est donc problématique.

Les entreprises peuvent-elles trouver un intérêt à réduire le bilan écologique de leur croissance numérique ?

F. B. : Si, bien sûr. Et je pense même que la solution est toute trouvée : il s’agit pour elles de concevoir de manière responsable leurs services numériques. L’expression peut paraître complexe, mais dans les faits, cela consiste à tout simplifier. Le plus souvent, les entreprises déploient à grands frais des portails lourds et complexes dans lesquels ils noient les utilisateurs d’informations qu’ils ne cherchent pas et de fonctionnalités dont ils n’ont pas besoin. L’idée est donc de retirer tout ce qu’on pourrait appeler le “gras numérique”.

Mais comment supprime-t-on le gras numérique ?

F. B. : L’une des approches consiste à créer votre portail pour le smartphone d’abord pour l’adapter ensuite à l’ordinateur. En effet, si votre service numérique peut s’afficher de manière efficace sur un petit appareil qui ne capte pas toujours très bien, alors vous avez un produit débarrassé de tout le superflu.

Pour le consommateur, quels sont les gestes les plus efficaces ?

F. B. : Il y a quatre leviers à retenir. D’abord allonger au maximum la durée de vie de nos équipements, ensuite, débrancher notre box quand on ne s’en sert pas, car elle consomme l’équivalent de dix ordinateurs portables utilisés 8 heures par jour pendant 220 jours. Puis éviter de se connecter au cloud en 4G, et enfin regarder la télévision plutôt via la TNT que sur ADSL. Bref, il faudrait faire l’inverse de ce que recommandent les publicités et le marketing.

Vous pensez que la tech peut sauver le monde ou là encore c’est du bidon ?

F. B. : Si on veut imaginer un monde viable pour nos enfants, il faudra sortir du « solutionnisme » technologique mais il faut surtout arrêter de croire que nos ressources sont infinies. Pour ma part, je trouve incroyablement excitant d’imaginer des outils low tech qui servent les intérêts humains comme ceux de la planète.


PARCOURS DE FRÉDÉRIC BORDAGE
Ancien développeur, directeur technique, consultant, journaliste, il conseille les entreprises, collectivités et institutions dans les domaines du numérique responsable, du Green IT, de l’écoconception et de la conception responsable de services numériques (logiciels, web, etc.) pour les aider à atteindre une forme de sobriété numérique heureuse. En 2004, il créé le blog Green IT pour permettre à une communauté, alors naissante, de se regrouper.

source : https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/ecologie-quatre-gestes-diminuer-emissions-co2-numerique/

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