Quand les artisans lèvent des fonds via le crowdfunding

Publié le 12 Mars 2015

Quand les artisans lèvent des fonds via le crowdfunding

Ils sont esthéticienne, torréfacteur, élagueur, pâtissier, fleuriste... et ont réussi à boucler une campagne de financement participatif sous forme de dons pour lancer leur projet.

Témoignages, à l'occasion de la Semaine de l'Artisanat qui débute le 13 mars.

"Pour lancer mon activité de taille d'arbres, il me fallait acheter un camion, une fendeuse à bois, un broyeur de branches, et tout un tas de petit matériel. Mon plan de financement s'élevait à 40 000 euros. Avec mes 21 ans et mes 1000 euros d'apport personnel, la première banque que je suis allée voir pour l'obtention d'un prêt m'a opposé une fin de non-recevoir." Jessy Hamelin, jeune artisan élagueur, n'a pas baissé les bras et, à l'initiative de son conseiller au sein du réseau d'accompagnement BGE, a démarré une campagne de crowdfunding sur notrepetiteentreprise.com, la plateforme que BGE et MyMajorCompany ont mis en place ensemble il y a un an. Avec les 4000 euros récoltés, s'ajoutant à un prêt Nacre de 5000 euros et un prêt "coup de pouce" de 4500 euros de la région Haute-Normandie, il a réussi à convaincre son banquier de le suivre. Le voici désormais chef d'entreprise.

Etre à l'aise pour demander de l'argent

Les artisans sont de plus nombreux, comme lui, à utiliser des sites faisant appel à la générosité collective, sous forme de dons. Dans 50 % des cas environ, le succès est au bout de l'aventure. Parfois, il ne s'agit que de réunir quelques centaines d'euros, pour développer un projet qui leur tient à coeur. Déborah Buret, gérante d'Arum Ver'tige, a ainsi réuni il y a un an les 600 euros dont elle avait besoin pour participer à un concours d'art floral. Les généreux donateurs qui ont souhaité soutenir cette fleuriste de Montgivray (36) ? Comme dans toutes les opérations de ce type : issus surtout de l'entourage familial et amical. C'est d'ailleurs un des intérêts de la chose. Pouvoir solliciter financièrement ses proches, sans s'adresser à eux de manière trop directe. "C'est compliqué de demander à sa famille d'investir, reconnaît Flore Collin, esthétienne-coiffeuse qui a monté Moose, des ateliers beauté itinérants, entre le Nord-Est de la France, Lille et Paris. Avec ma campagne, j'ai réussi à récolter 3520 euros. Si je leur avais demandé l'argent directement, sans support sur lequel m'appuyer, donc sans leur présenter aussi bien le projet, ils auraient sans doute donné moins. Quant aux personnes moins proches de moi, je ne les aurais pas touchées. Toutes les petites sommes sont bonne à prendre, mais, dans la "vraie vie", vous n'allez pas demander à l'ami d'un ami "donne-moi dix euros, je monte ma boîte !"

2000 euros de la part "d'inconnus"

Guillaume Jacoberger, pâtissier qui va ouvrir son commerce à la mi-mai dans le centre de Bonneville (74), a eu quelques belles surprises : "Parmi les 70 donateurs qui ont participé à ma collecte de 5835 euros, il y a des gens que je n'avais pas vu depuis le collège ! Et j'ai quand même aussi reçu environ 2000 euros de personnes que je ne connais pas du tout." Comme il est de mise, l'artisan avait prévu des contreparties aux dons. "C'est ce que m'avaient préconisé les conseillers de Bulb InTown, le site sur lequel je me suis inscrit. Ils n'hésitent pas à faire des remarques. Je souhaitais proposer, pour 200 euros de dons, 5 % de remise à vie sur mes pâtisseries. Ils ne trouvaient pas cela intéressant. J'ai finalement offert des buffets sucré/salé, des pièces en chocolat artistique, des créations de pâtisserie au nom du donateur, ce genre de choses."

De l'art de se faire aimer

Reproduction d'un concept qu'il a expérimenté à Oxford, au temps où il "faisait des saisons", la boutique de Guillaume Jacoberger, baptisée "Goûter Desserts", prendra la forme d'une boulangerie pâtisserie salon de thé style "barista" (où l'on sert du bon café, ndlr), proposant aussi des ateliers pâtisserie. "Le fait d'être original est un plus pour séduire les donateurs, concède l'entrepreneur. Mais je pense que tout projet de métier de bouche, même très classique, peut réussir en crowdfunding, dès lors que l'entrepreneur assure que tout sera fait maison, artisanalement." Mettre en avant des éléments de différenciation est en tout cas essentiel. "Pour une création d'entreprise, cette réflexion doit de toute façon être menée en amont, affirme Pascal Mignen, conseiller à BGE Atlantique. Même dans un métier traditionnel, on peut se démarquer. Regardez Ze Plombier, à Nantes, un plombier tout ce qu'il y a de plus classique, mais qui se déplace en triporteur." Jouer la carte de l'écologie. C'est ce qu'a fait l'artisan-élagueur Jessy Hamelin, pour rendre son projet attractif. "J'ai communiqué sur le fait que j'essaie toujours de conserver l'arbre plutôt que l'abattre, que j'utilise de l'huile biologique pour les tronçonneuses et non un produit minéral synthétique, bref, plein de petits détails de ce type, qui ont pu titiller les gens sensibles à la protection de l'environnement", explique-t-il.

Un exercice de rédaction... et de promotion!

Dire qui l'on est, ce qu'on veut, où l'on va. L'internaute doit comprendre clairement pourquoi on le sollicite. Au sein du réseau BGE, on aide les artisans candidats à une levée de fonds sur notrepetiteentreprise.com, à se présenter, eux et leur projet. Pti Kawa, activité de torréfaction et vente de café sur les marchés, a profité de cet accompagnement. La banque avait refusé à cette entreprise un prêt de 4000 euros, pourtant sésame à l'achat d'une indispensable camionnette de transport, en raison du statut d'auto-entrepreneur de l'artisan à sa tête. Le crowdfunding est apparu comme une porte de sortie. "Mais Nicolas (Morisseau) n'est pas du tout branché "ordinateur", confie Amélie Siorat, sa compagne. Il fallait pourtant rédiger une présentation, faire un petit montage photos. Ce ne sont pas forcément les compétences d'un artisan ! Donc c'est moi qui me suis occupée de la campagne. Au bout de cinq ou six relectures par le conseiller, à fignoler mon texte de base, nous étions enfin bons."

Facebook, le nouveau meilleur ami de l'artisan en campagne

Reste qu'un projet, aussi bien présenté qu'il soit, n'a aucune chance de décoller si personne n'en a connaissance. "Il ne faut pas avoir peur d'embêter tout le monde, j'ai envoyé tellement de mails, qu'à la fin, plus personne ne pouvait me supporter ! , plaisante à moitié Flore Collin. Moi qui n'avais qu'une page Facebook personnelle, je me suis créé un compte pro sur Twitter, sur Instagram, sur Google +. Et j'ai communiqué à fond sur les réseaux sociaux." La jeune esthéticienne et coiffeuse a aussi fait en sorte d'être présentée dans les médias locaux, a noué des partenariats avec des parfumeries, bref, a parlé d'elle et de son activité le plus possible. "En fait, une campagne de financement participatif constitue une façon de prendre position en tant que chef d'entreprise, analyse Frédérique Gerber, chargée de mission BGE Normandie. D'ailleurs, les entrepreneurs trouvent souvent leurs premiers clients ainsi. Même si la collecte n'arrive pas au bout, quelque chose de positif peut ainsi ressortir de cette expérience."

Ultra-timides, en manque total d'assurance, s'abstenir, néanmoins. A moins de décider de dépasser ses inhibitions. Un cercle familial et amical réduit peut aussi être un frein, si l'on recherche un gros montant. "Car plus la base de son entourage proche est large, plus le nombre de personnes que l'on pourra toucher sera important", rappelle Frédérique Gerber. Ne pas savoir se servir des réseaux sociaux n'est pas un handicap insurmontable, en revanche. "A condition d'être motivé, il est tout à fait possible de se mettre à niveau en suivant l'un de nos ateliers par exemple, affirme Pascal Mignen. Nous venons de former un créateur d'entreprise de 55 ans, en reconversion dans le bâtiment. Il a monté sa page Facebook et est aujourd'hui totalement autonome pour utiliser cet outil."

Fixer son objectif : ni trop, ni trop peu

Parfois, malgré tous les efforts de communication consentis - de quoi s'occuper une à deux heures par jour - la campagne patine. "La mienne devait durer 90 jours, mais, à mi-chemin, la cagnotte plafonnait, se souvient Jessy Hamelin. Heureusement, j'ai eu un gros coup de chance. J'ai pu profiter de l'opération Partager-Protéger d'Axa." Dans le cadre d'un partenariat avec My Major Company, l'assureur sélectionne une brochette de projets et les soumet au vote des internautes. Ceux qui obtiennent le plus de soutiens reçoivent son aide financière. Notre artisan-élagueur a ainsi récupéré 1000 euros supplémentaires, de quoi boucler à l'aise son objectif.

Mais tout le monde ne tire pas ainsi le gros lot. Attention, donc, à ne pas se montrer trop gourmand au moment de fixer la somme que l'on souhaite atteindre. "Pour ma part c'est le contraire, tempère Guillaume Jacoberger. La plateforme m'a conseillé de m'en tenir à 5000 euros mais j'aurais pu monter à 10000 euros. A mi-parcours, j'avais déjà atteint mon objectif et, voyant que c'était le cas, des gens qui m'avaient promis un don se sont finalement abstenu." Des fonds supplémentaires qui n'auraient pas été de trop pour le pâtissier, confronté aujourd'hui à la dure réalité de son installation et des tarifs, qu'il avait sous-estimé, de l'électricité...


source : http://lentreprise.lexpress.fr/gestion-fiscalite/budget-financement/quand-les-artisans-levent-des-fonds-via-le-crowdfunding_1660263.html

Rédigé par OOKAWA-Corp

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